L’Affaire Deruga
Ricarda HUCH
« Est-ce un crime ici que de ne pas s’appeler Johann Schultze ou Karl Müller ? » s’exclame face à ses juges le docteur Sigismondo Enea Deruga. Si les interventions de l’accusé sont rares, elles mettent systématiquement en cause les mécanismes de la justice. Personnage ambigu, qui se rit des magistrats, s’endort lors des dépositions, Deruga semble peu concerné par le sort qu’on lui réserve.
Mais la bourgeoisie munichoise entend bien condamner ce résident pragois, de nationalité italienne, ex-époux de la victime, décrit comme un violent et un instable - bref, un citoyen de « mauvaise vie ».
Se succèdent alors à la barre des témoins qui révèlent un tout autre homme : colérique certes, mais par incapacité à accepter l’hypocrisie de son milieu ; dépensier, mais généreux envers ceux qu’il aime ; jaloux, mais n’avait-il pas des raisons de l’être ? et fidèle à son épouse jusque dans la maladie et la mort.
Intrigue policière donc, où Ricarda Huch – « première femme d’Allemagne » selon Thomas Mann –, l’auteur du Dernier été (publié en 1992 aux Éditions Viviane Hamy), rend hommage à son ex-mari, Ermano Cecconi. L’Affaire Deruga, son dernier roman, parut en 1917.