Le Hibou
Nissim ALONI
Les légendes courent : un hibou vieux de mille ans rendrait aveugle quiconque ose l’approcher ; le diable fréquente tous les soirs le Café de monsieur Pinto ; la nuit, des hurlements filtrent des murs du fournil de monsieur Sasson… Mais c’est le soldat turc d’Edirne qui hante les esprits : fonce-t-il toujours vers les positions ennemies alors qu’une bombe lui a arraché la tête ? Notre jeune héros y croit dur comme fer… bien plus que ses copains. Dans ce quartier populaire de Tel Aviv, au début des années 40, leurs aventures dans le terrain vague ou le long de la voie ferrée sont bien plus essentielles que la Guerre qui n’est qu’une voix émanant du poste de radio.
« On galopait sur des chevaux blancs au-dessus des abîmes, pour échouer dans les bordels de la rue Allenby, en compagnie des soldats. Salamon racontait que son oncle aveugle l’emmenait à Jaffa tous les samedis. Près d’un couvent chrétien, il y avait des échoppes où l’on vendait des dattes couleur pourpre et des prostituées qui prenaient des bains de soleil, les jambes écartées. »